Au début du mois de septembre, Auchan Retail France a annoncé son intention de supprimer 1.475 emplois.
Si l’annonce promet un cataclysme social dans le groupe, ces suppressions de postes entrent dans le cadre d’un plan de transformation baptisé «Auchan 2022». Le projet entend «adapter son organisation aux nouvelles attentes des consommateurs et des citoyens», selon la cinquième enseigne française de grande consommation.
Le modèle économique d'Auchan repose majoritairement sur les hypermarchés. Or ceux-ci accusent aujourd'hui une perte de vitesse face aux nouvelles habitudes de consommation. Pour les courses alimentaires, les clients plébiscitent de plus en plus les supermarchés de proximité et pour les achats non-alimentaires, les enseignes spécialisées ou en ligne s’imposent.
Pourquoi le modèle de l’hypermarché ne fonctionne-t-il plus ? À quoi ressemblera le supermarché de demain ? Comment les grandes enseignes françaises se renouvellent-elles ? Voici 3 pistes explorées par les grandes surfaces dans l’hexagone.
1 - L’hypermarché ultra-connecté
Pourra-t-on se passer de notre smartphone pour faire les courses dans les années à venir ? Informations sur les produits, service client, paiement… Les usages sont multiples et vont dans le sens d’une ultra-connexion des grandes surfaces. L’application Yuka permet depuis 2017 de scanner des produits pour connaître leur impact sur la santé. Utilisée chaque mois par plus de 5 millions de consommateurs, elle est aujourd’hui concurrencée par d’autres applis et des enseignes de supermarchés elles-mêmes. En Chine, dans certains magasins, on peut déjà connaître la composition et l’origine d’un produit en scannant son code-barres. A l'image des «scannettes» individuelles, d’autres boutiques permettent via des capteurs et des caméras, d’enregistrer les produits au fur et à mesure qu’on les met dans son panier. Certaines enseignes développent l’identification de leurs clients à l’entrée de leur magasin, notamment via la reconnaissance faciale. La pratique est déjà courante en Chine. Carrefour teste le système depuis 2019 en région parisienne dans un magasin concept réservé aux salariés. Cela permettrait au client d’accéder à des services supplémentaires mais aussi au commerce d’enregistrer les préférences de consommation de chaque client. L’ultra-connexion vaut aussi pour les salariés, de plus en plus équipés de smartphone ou tablettes pour par exemple suivre les stocks en direct ou répondre plus vite aux questions des clients. Dans cette vision très data, les exemples d’innovation sont nombreux. Casino et Monoprix se sont alliés à Amazon. Auchan s’est rapproché d’Alibaba. Carrefour a conclu un partenariat avec Google pour permettre aux clients de faire ses courses «à la voix». Leurs buts ? Élargir leur clientèle, développer l’intelligence artificielle et récolter des données.
2 - L’hypermarché déstructuré
Comment donner envie au consommateur de se déplacer pour aller acheter sa brique de lait ? Pour stimuler la clientèle, les enseignes planchent sur les notions de plaisir et d’expérience du visiteur. Ce dernier «s'est rendu compte qu'il était tout seul devant sa boîte de petits pois» et qu'il y avait «une pauvreté relationnelle dans l'expérience» proposée par la grande distribution, expliquait à l’AFP le sociologue Stéphane Hugon. Dans cette optique, le premier angle d'attaque est architectural. Il s’agit de repenser la circulation dans le magasin et l’organisation des rayons. Le shop-in-the-shop se développe. Des enseignes misent sur le développement de corners réservés à des marques spécialisées comme Decathlon, Boulanger ou la Fnac. Les kiosques à service se multiplient aussi avec par exemple des emplacements billetterie ou retrait de colis. Pourquoi pas demain un espace de coworking ou une garderie pour les enfants ? Il s’agit de casser les grandes allées droites très années 60 : on présente les fruits comme chez les primeurs en îlots, on décore le rayon vin comme un caviste et on installe un fût en chêne sous les néons. On connaît déjà les services de traiteurs, le stand de choucroute ou la dégustation de sushis. A l’image des supermarchés chics, les foods halls investisseront peut-être bientôt les hypers populaires. Le côté show-off quasi bonimenteur trouve un nouveau souffle côté artisanat. On ne vend plus un robot ménager mais on génère de l’attraction avec une performance artistique. On crée du lien avec un cours express de menuiserie.
3 - L’hypermarché humanisé
Face à la robotisation croissante des hypermarchés, l’audace pourrait se trouver dans le pari de l’humain. Pour construire au mieux l’expérience du client, les salariés pourraient devenir des metteurs en scène, à disposition du public, bien loin des manutentionnaires ou des caissiers. Le concept des kiosques à services pousse à recruter des profils spécialisés avec des compétences pointues. Cela est d’abord vrai dans les métiers de bouche où les magasins peuvent affirmer leurs différences. La grande distribution crée aussi de nouveaux métiers. Au Luxembourg, des hypermarchés disposent de «welcomers» qui accueillent les clients. D’autres proposent les services de coachs sportifs ou de diététicien. En plus de nouvelles recrues, la grande surface peut reconsidérer le potentiel des ressources déjà en place. Le rôle de conseil auprès du client comme la digitalisation des hypermarchés peuvent nécessiter des formations du personnel et la réorientation de certains postes, comme celui de caissier vers de nouvelles fonctions. «Les besoins de formation professionnelle vont être énormes» dans les années à venir, prédit Stefano Scarpetta, économiste à l'OCDE. Dans un article, le chercheur en management des ressources humaines Amadou Ba, notait la mutation manifeste du métier de caissier : pédagogie, capacité de supervision et technicité sont désormais essentielles, notamment depuis l’arrivée des caisses automatiques. Signe que les salariés ont encore un avenir dans les hypermarchés, le métier de chef de rayon de grande surface fait d’ailleurs partie des métiers dont la rémunération augmente ces dernières années.
---
Sociacom croit dans le changement positif. Vous souhaitez transformer durablement votre business model en remettant l’humain au cœur de votre activité ? Vous voulez combiner enjeux sociétaux et environnementaux dans un objectif de croissance ? Parlons-nous !
Comments